Le désencombrement ou se limiter à l’essentiel, une nouvelle manière de vivre

Minimalisme - art de l'essentiel

Pratiquer le désencombrement ou se limiter à l’essentiel serait-il devenu une priorité? À l’heure où il est question d’économie d’énergie, de pénurie, de restrictions et de fin de l’abondance, s’interroger sur nos modes de vie sous l’emprise depuis des décennies d’un consumérisme effréné n’est-il pas devenu l’urgence ? Faire le bilan, pour nous et notre bien-être, de l’accumulation de biens aussi inutiles qu’encombrants n’est-il pas une priorité ? La question sous-jacente n’est elle pas celle de l’apprentissage du désencombrement ou  de se limiter à l’essentiel? Au-delà, la remise en question de notre façon de penser serait elle l’occasion salutaire de faire de la place dans nos vies et dans nos têtes?

Notre vie, telle que nous l’organisons et la partageons avec d’autres, ne nous apporte pas toujours tout le bonheur souhaité et l’épanouissement de notre être tant promis et convoité. Ne serait-elle pas en surcharge d’illusions perdues, d’insatisfactions multiples et répétées sous le joug de désirs primaires d’acquérir et de posséder toujours plus, conditionné par un prêt à penser au service de la société de consommation? Ne sommes-nous pas repus de tant d’achats compulsifs réalisés sous l’emprise irrésistible de comportements addictifs? Est-ce l’insatisfaction de nos vies que ces achats tentent de compenser ou de détourner de notre vérité quotidienne.

Et si la réponse à toutes ces interrogations résidait dans cet art de vivre appelé minimalisme dont le principe fondateur « Less is more » nous invite à nous limiter à l’essentiel? Mais qu’est ce que le minimalisme ?

Conceptualisé par l’architecte allemand Ludwig Mies van der Rohe à partir de la maxime «Less is more» (moins est plus, ou moins est mieux), le mouvement minimalisme est lancé au début des années 1960. Cet art minimal, courant de l’art contemporain, consiste à améliorer une œuvre par soustraction. Depuis son apparition, le courant minimaliste va se décliner de multiples façons, dont celle qui nous intéresse aujourd’hui, le retour à l’essentiel privilégiant la recherche de l’être s’opposant au paraître et au possédé.

C’est le minimalisme japonais qui va montrer la voie de ce retour à l’essentiel, prôné par Fumio Sasaki qui a contribué à le populariser par la pratique du Danshari, art du rangement minimaliste japonais. Il tient lieu de référence et occupe une place privilégiée dans le courant minimaliste. Au Japon, il est un véritable art de vivre qui touche à la culture, à la philosophie, à l’organisation de l’habitat et la décoration, dans ce souci permanent de simplifier et d’épurer,  parfois poussé à l’extrême dans une limitation à l’essentiel excluant tout superflu. Fumio Saski vante « le détachement des choses matérielles au bénéfice des relations humaines, aux voyages et à la nature« 

Se limiter à l’essentiel

Désencombrement

Pour se limiter à l’essentiel il s’agit d’abord de faire du vide, acte de jeter d’une grande banalité, le retour à l’essentiel peut paraître d’une étonnante simplicité. Serait-ce seulement un simple retour au source d’un être humain sociétalement et matériellement sophistiqué qui sciemment déciderait d’abandonner la plupart de ses possessions, tel un homme des cavernes redevenu, toutefois dans une caverne confortable avec quelques éléments d’agréments, héritages d’une ère industrielle tant décriée dont il ne sait se séparer?

Il n’est pas seulement question de ça, bien sûr! On ne peut prétendre à l’essentiel sans un bouleversement profond de son état d’esprit, de sa façon de penser, d’agir, de partager avec les autres, de se concevoir et de se définir par rapport à la société de consommation. L’idée de l’essentiel remet en question aussi bien la relation à soi et à l’autre que la relation à l’objet et l’espace dans lequel parfois il s’incruste et impose son inutile présence.

La quête de la limitation de l’essentiel interpelle donc nos attitudes, nos activités et nos actions quotidiennes. Ce sont chacune de nos habitudes, chacune de nos pensées, chacun de nos gestes quotidiens qui doivent être remontés des profondeurs de notre inconscient pour être disséqués, interrogés et passés aux tamis de l’utile, du nécessaire et du suffisant. L’appliquer aux biens matériels est une bonne entrée en matière, si le vide que l’on opère s’accompagne d’une réelle remise en question de ses habitudes de penser, de consommer et de partager. Dans les faits, l’une ou l’autre peut être déclencheur d’une métamorphose qui va bouleverser tous les aspects de nos vies.

Quelques précisions tout de même! Il n’est nullement question de s’interdire, mais de souscrire à ces changements profonds, de se priver mais de consentir pleinement à cet allègement, de refouler ses désirs ou ses envies mais de s’en libérer, imprégné de cette plénitude et cette sagesse que le désencombrement fait naître peu à peu.

Il est question de rééquilibrage, d’harmonie pas seulement avec soi-même, mais aussi avec un espace, qui ne nous entoure, ne nous cerne ou ne nous contraint à l’emprisonnement, mais un espace avec qui nous nous confondons par osmose visuelle et sensorielle, parce-que devenu nôtre pour nous enrichir en prolongement d’un soi complice d’un vide anéantissant un trop-plein.

Il est également question de choix aussi conscients qu’assumés, de complicité avec les objets et l’espace, parce que sans eux cette exaltation tant physique qu’intellectuelle vécue, témoignant de cette étrange connivence, pourrait être déchargée de tout sens, suspectée d’être le fruit d’une autre forme de conditionnement. On devine facilement que la maîtrise de toutes les étapes accompagnant ces bouleversements est impérieuse.

J’ai souvent cette tentation de comparaison avec un régime alimentaire bien vécu, s’inscrivant dans le temps en limitant le nombre de calories sans pour autant s’imposer la souffrance de privations. Tout est dans la mesure, l’acceptation, la satisfaction personnelle que la perte de poids par limitation des aliments absorbés provoque lors d’un régime alimentaire et, pour le minimalisme, dans le renoncement à l’abondance d’objets inutiles et dans cet esprit libéré de toutes pensées négatives découvrant les vertus de la sagesse.

Il ne suffirait pas de vider une pièce ou de vivre dans un appartement vide pour connaître l’harmonie. L’harmonie naît de cet échange, de cette familiarité entre soi et l’espace, de cette légèreté et de cette libération que le désencombrement va déclencher.

Tendre vers le minimalisme c’est aussi se limiter à l’essentiel

Trois aspects essentiels doivent être abordés si l’on veut prétendre au minimalisme; pratiquer le désencombrement, rétablir l’équilibre de nos vies, s’autoriser à agir librement, ce dernier point impliquant de s’accorder du temps en faisant le tri dans son emploi du temps, dans ses relations et dans sa vie en général pour éliminer tout ce qui se révèle superflu.

La pratique du désencombrement

Littéralement, le désencombrement consiste à se débarrasser de tout ce qui nous encombre sur le plan matériel, mais aussi sur le plan de la pensée et des émotions et enfin sur le plan relationnel avec l’objectif de faire de la place dans son espace de vie et dans sa tête pour n’accueillir que ce qui est vraiment important, utile et indispensable, ces deux derniers épithètes étant indissociables.

Sur le plan matériel, une bonne méthode consiste à commencer à vider vos armoires, placards, dressing, garage et autres débarras un à un pour faire le tri de vos vêtements, vos chaussures et autres effets entre ce que vous portez encore et ce que vous ne portez plus. Pour les objets, il s’agit de faire le tri entre ce qui est vraiment utile et indispensable et ceux dont vous ne vous servez pas ou plus. Lorsque cela concerne le tri de bibelots, souvenirs et d’objets divers soi-disant décoratifs ou simples vestiges d’un passé révolu, figés dans leur éternel immobilisme poussiéreux en perdition un peu partout dans la maison, en plus de leur inutilité, le fait de ne plus apprécier leur présence et leur éventuelle puissance évocatrice, doit vous alerter, vous signifier qu’est venu le temps de s’en débarrasser. Séparez-vous sans regret de ces ramasses poussières qui polluent votre espace et le prive de sa faculté de se recomposer en s’épurant. L’idée de de limiter à l’essentiel doit devenir presque obsessionnelle

La phase de tri puis de séparation de tous ces biens devenus inutiles peut s’avérer délicate et déstabilisatrice. Soit que la peur de manquer vous envahit, soit que cette confrontation soudaine au vide vous met brutalement face à vous-même, dans cette fausse espérance que vos possessions puissent encore combler le vide de votre existence. Cet acte de dépossession volontaire peut aussi éveiller en vous un sentiment de culpabilité ou de honte en constatant tant de dépenses inutiles et tant de gaspillage. Rassurez-vous ; dans cette entreprise, ce que vous perdez en possessions vous le gagner en légèreté !

C’est souvent dans ce temps consacré au désencombrement que l’on tente de trouver d’ultimes raisons de conserver, tentation à laquelle vous ne devez en aucun cas céder puisque les faits (inutilisation de l’objet) vous démontrent que toutes ces possessions sont devenues superflues. Toute compromission doit être rejetée. L’un des moyens d’éviter les remords est de donner tout ce qui peut encore être utile à d’autres personnes dans le besoin. Que ce soit une association ou tout simplement le gestionnaire d’une déchetterie, il existe toujours des structures prêtes à récupérer ces biens matériels pour leur offrir une seconde vie.

Rétablir l’équilibre de nos vies

La société de consommation vous invite à vivre plus intensément, à consommer toujours plus grâce aux crédits qui permettent de multiplier les achats en échelonnant les dépenses correspondantes. Parfois trop de remboursements jusqu’au risque de grever votre budget de manière incontrôlée, vous confine dans une spirale d’endettement qui compromet pour un temps votre équilibre financier.

Le déséquilibre budgétaire a un impact sur notre équilibre psychique, que nous ne mesurons pas toujours, par la pression qu’il exerce en permanence sur notre état émotionnel. Les privations qu’il engendre sont sources de frustrations mal vécues qui peuvent conduire à la dépression. Tensions dans le couple, pensées obsessionnelles, stress et angoisses liés à ces difficultés financières, obligation de travailler plus, comprimant davantage le temps libre consacré à la famille et à soi-même, toute cette sérénité disparue érode davantage l’équilibre de nos vies.

Apprendre à se limiter à l’essentiel en repoussant le superflu, c’est apprendre à faire des choix consentis, permettant de retrouver la maîtrise de ses finances. C’est se donner la possibilité de se libérer de ses comportements addictifs voire parfois compulsifs. C’est connaître les joies d’une autosatisfaction salvatrice, du devoir accompli dirons-nous, sur le chemin d’un apaisement conduisant à la confiance en soi.

S’autoriser à agir librement

Tendre vers l’essentiel est une expérience libératrice sur le chemin de l’autonomie. Tutoyer l’essentiel, c’est tendre vers une autonomie dans tous les domaines de la vie, objectif possiblement d’atteignable que si on s’autorise à agir librement. C’est une occasion unique de reprendre le contrôle de nos vies, une grande victoire sur soi source de satisfactions personnelles inégalables. Pour cela il est nécessaire de se débarrasser de ces obstacles qui nous freinent sur le chemin de l’autonomie, en premier lieu le regard jugeant de l’autre innondé de son intolérante incompréhension.

Cette liberté d’agir que l’on s’octroie peut être source de critiques et d’accusations d’égocentrisme de la part d’un entourage qui ne comprend pas toujours cette subite aspiration à la liberté de penser et d’agir, n’acceptant pas de tels bouleversements dans vos attitudes. C’est peut être leur propre équilibre que vous interpellez, le déni étant parfois préférable à toute remise en question. C’est à coup sûr le moment de faire aussi le tri dans vos relations, cette expérience permettant de découvrir le vrai visage de ceux qui sont censés vous accompagner avec bienveillance. Quitte à être confronté à la solitude. Mais comme le dit si bien Jacqueline KELEN « La solitude est un cadeau royal que nous repoussons parce qu’en cet état nous nous découvrons infiniment libre et que cette liberté est ce à quoi nous sommes le moins prêts » (L’esprit de solitude).

« La perfection de l’homme réside en ce qu’il est, et non en ce qu’il a » Oscar Wilde. Bonne route sur le chemin de l’essentiel…….

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